dimanche 2 janvier 2011

Lyotard Postmoderne

Le mot postmoderne cause un malaise incroyable pour ceux qui le prononcent, ceux qui l’entendent et même ceux qui tentent de le représenter. Nombreux sont les écrivains postmodernistes qui insistent sur le fait qu’en effet, ils ne savent pas ce qu’est le postmodernisme. Spécialiste américain du postmodernisme, Brian McHale en identifie la cause dans le fait qu’en temps normal, on n’aime pas être  post-quelque chose ou avant-quelque chose mais simplement être quelque chose.[1] Mais cela peut également être à cause de la nature  même de la postmodernité. Si le cogito cartésien sert à établir l’état de l’homme moderne, le savoir-douter-mieux que Descartes de Nietzsche, qui ouvre la voie vers une école de pensée qui nous amène à parler de l’innocence moderne, ne va pas dans le même sens. Ce doute nietzschéen rejoint le fond de la pensée de beaucoup de philosophes qui nourrissent le postmodernisme, fussent-ils d’accord ou non avec ce mot. Par exemple, dans un article sur la généalogie de Nietzsche, Foucault écrit : « En fait, ce que Nietzsche n’a pas cessé de critiquer depuis la seconde des Intempestives, c’est cette forme d’histoire qui réintroduit (et suppose toujours) le point de vue supra-historique : une histoire qui aurait pour fonction de recueillir, dans une totalité bien renfermée sur soi, la diversité enfin réduite du temps, une histoire qui nous permettrait de nous reconnaître partout et de donner à tous les déplacement passés, la forme de la réconciliation ;une histoire qui jetterait sur ce qui est derrière elle un regard de fin du monde. Cette histoire des historiens se donne un point d’appui hors du temps ; elle prétend tout juger selon une objectivité d’apocalypse ; mais c’est qu’elle a supposé une vérité éternelle, une âme qui ne meurt pas, une conscience toujours identique à soi.[2]
 En conséquence de cette perte de la croyance historique en tant qu’exemple de la continuité organique, et au vu d’une vérité qui peut se considérer comme éternelle et objective, le penseur postmoderne ne peut plus être fondateur d’une idéologie ou d’une école, fut-elle le postmodernisme même, car le pouvoir-fonder prend appui sur la vérité éternelle.          
Foucault sait très bien que la responsabilité du penseur de son époque n’est plus de prévoir le but vers lequel la société doit tendre. Il répond à Chomsky, lors de leur fameux dialogue, que si nous parlons de notions comme la nature humaine qui ne peut pas se réaliser dans la société actuelle, « ne risque-t-on pas de définir cette nature humaine – qui est à la fois idéale et réelle, cachée et réprimée jusqu’à maintenant – dans des termes empruntés à notre société, à notre civilisation, à notre culture ? »[3]. Nous ne sommes plus chez Marx et l’analyse du monde actuel ne permet plus au philosophe d’en déduire l’avenir, et dans ce sens, le modernisme est fini ; mais où sommes-nous ? Dans le postmodernisme ? Mais le postmodernisme n’est qu’un passage, il est l’état de l’homme moderne qui commence à douter des valeurs qu’il avait crues irréfragables pendant très longtemps (« perdre de crédibilité des métarécits » si l’on préfère prendre les mots de Lyotard). L’intellectuel postmoderne, au contraire de son homologue moderne, n’est pas celui qui renforce et légitime le nouvel état du savoir, mais celui qui met en cause cette légitimation. Un postmoderniste est le critique de la postmodernité et non pas son fondateur. C’est pour cela d’ailleurs qu’une grande quantité des écrits sur le postmodernisme commencent par l’exposition du fait que les définitions du mot postmoderne sont vagues, contradictoires et aussi et surtout souvent négatives.
Négatives, voire même négatrices car un moment de rupture avec tout ce qui était solide dans la pensée de l’homme l’oblige à se reculer, à s’arrêter et à repenser ses activités. Moment apocalyptique, bouleversement intellectuel, partout on parle de la mort du roman, de la fin de la littérature, de il-va-falloir-arrêter-de-philosopher etc, tout cela parce que l’homme moderne se trouve dans une condition où ses actes contredisent sa volonté. L’intellectuel de cette époque découvre que même en attaquant le pouvoir, il le renforce.            
Sartre, un des derniers penseurs modernistes français, se soucie du fait que « l'écrivain doit donc refuser de se laisser transformer en institution même si cela a lieu sous les formes les plus honorables ». Roland Barthes partage le même souci tout en se rendant compte de l’impossibilité de cette tâche. Ce n’est pas simplement en refusant le prix Nobel qu’on peut refuser de se laisser transformer en institution ; car quoi qu’il fasse, l’auteur (prenons ce mot à sens plus large qu’ « écrivain ») sera enfin récupéré par la culture officielle, par l’institution. Mais le fait qui se dégage dans la Condition postmoderne de Lyotard, c’est qu’en réalité l’institution n’a plus besoin de l’auteur, du penseur pour se légitimer, donc il joue pour elle le rôle d’un Autre limité par une lecture officielle qui la fortifie même en la critiquant.          
C’est donc dans ce changement crucial à l’égard de la position du penseur que nous pouvons situer la vision postmoderne de Lyotard. Au lieu de légitimer le savoir, ou de participer à la fabrication des métarécits qui servent à le légitimer, Lyotard, en tant qu’intellectuel postmoderne, prend le contrepied : il le délégitime en posant la question de la légitimation.
L’utilisation par Lyotard de la théorie des jeux, du langage de Wittgenstein, fait l’objet de beaucoup de critiques.[4] : on lui reproche de dénigrer cette théorie. Pourtant, la question de la légitimation du savoir à l’âge de l’informatique, ou à l’époque postindustrielle si l’on préfère, est basée sur cette théorie qui n’est pas suffisante pour développer cette idée, ce qui fait que malgré son importance, et son actualité à peu près trente ans après la parution de son livre, l’étude de Lyotard ne peut pas s’achever d’une façon satisfaisante. Cela peut-être à cause de certaines confusions entre les fonctions langagières qui ne lui permettent pas de développer une théorie convenable pour expliquer les tentatives de légitimation.
Nous utilisons en l’occurrence deux termes, à savoir justification et légitimation, pour éviter la confusion entre deux fonctions différentes de la langue. La justification sera l’acceptation d’un énoncé dans un discours, ce qui veut dire que celui-ci possède les conditions désignées par les règles intérieures de ce discours pour que l’on puisse vérifier l’appartenance de cet énoncé à ce discours. Quand il s’agit d’un discours relevé comme celui de la science, où un énoncé peut vouloir prétendre son appartenance au discours, la justification peut se montrer un processus complexe, tandis que pour les discours plus courants, cette étape peut devenir quasiment invisible. La légitimation est, en revanche, fabrication de récits – qui peuvent être extérieurs au discours en question, et qui sont les raisons d’existence et d’acceptabilité des règles intérieures de ce discours.
           Chaque énoncé qui se parle dans une langue se justifie en montrant son appartenance à un système discursif, sans lequel il ne serait pas compréhensible. Autrement dit, pour qu’un énoncé soit lisible, il faut d’abord que le destinataire puisse déterminer le discours dans lequel cet énoncé s’inscrit. Donc par exemple, un énoncé considéré comme scientifique en XVIIIème siècle, réfuté par la science depuis très longtemps, ne peut être intelligible à l’époque contemporaine qu’en changeant la catégorie discursive, c’est-à-dire non plus comme un énoncé scientifique mais comme un exemple dans l’histoire de la science. Les discours, ou les systèmes discursifs, aussi nombreux soient-ils, se légitiment de façons différentes.[5] Ainsi, pour justifier un énoncé, il faut tenir compte de l’ensemble des éléments de justification de cet énoncé, c’est-à-dire non pas seulement l’énoncé et les règles de justification de son discours mais aussi le locuteur, le destinataire, la référence, le contexte. Même si l’on accepte les catégories d’énoncés proposés par Lyotard - dénotatif, performatif et prescriptif -, cette distinction ne peut avoir lieu qu’une fois justifié  l’énoncé en considérant tous les éléments indiqués ci-dessus.
Un énoncé comme L’université est ouverte (exemple de Lyotard pour les énoncés performatifs), peut être exprimé de diverses façons. Si c’est le doyen de l’université qui le prononce, il doit se légitimer, montrer son autorité pour pouvoir l’exprimer. Pourtant le même énoncé, édicté par la même personne, peut être considéré différemment dans un autre contexte. Imaginons par exemple le doyen de l’université parlant aux étudiants grévistes et disant : « l’université est ouverte », pour ensuite essayer de convaincre les étudiants de l’inutilité ou même l’illégalité de leur grève. Encore dans le même contexte, si les étudiants décident de continuer leur grève, la légitimité de l’énonciateur ne suffit pas pour que ce discours devienne performatif. Alors qu’il est encore le doyen de l’université et qu’il possède officiellement la légitimité de prononcer ces paroles, puisque la légitimation est contractuelle, son destinataire peut décider de les négliger dans certaines occasions, et en conséquence, ce n’est pas lui qui perd son légitimation – on sait qu’il a le droit ou l’autorité de le dire -  mais c’est son énoncé qui perd sa performativité. Le même énoncé peut être prononcé par un étudiant pour répondre à son collègue qui veut savoir si l’université est ouverte malgré la grève. En l’occurrence, il n’est pas censé avoir une autorité sur l’université mais simplement savoir l’actualité. les mêmes termes peut également être écrits sous une photo de prison (ce que des étudiants des universités iraniennes ont fait après l’emprisonnement massif d’étudiants à la suite de l’élection présidentielle récente en Iran) tels  une parodie pour exprimer qu’ils sont les étudiants et les professeurs enfermés en prison et que ceux qui ne sont pas encore arrêtés risquent de l’être. Dans ce cas, l’énonciateur ne revendique aucune autorité, il ne prétend pas non plus savoir ce que les autres ne savent pas, la parodie est sa réaction devant une réalité qui le rend mécontent. La justification de l’énoncé peut être basée donc, selon le contexte et en considérant le destinataire, soit sur l’énonciateur soit sur l’énoncé même.
Non seulement le destinateur et le contexte, mais aussi le destinataire jouent un rôle fondamental dans la justification de l’énoncé. L’énoncé se justifie pour le destinataire et donc c’est en fonction du rapport de l’énonciateur avec ce premier qu’il s’appuie sur telle ou telle forme d’énonciation. L’exemple classique de l’analyse de récit à propos du rôle du narrataire peut le clarifier. Dans Les mille et une nuits, Shéhérazade est le narrateur et Schahriar -le sultan- le narrataire. La curiosité du sultan à savoir la suite du récit est la garantie de la vie du narrateur. C’est pour cela que le sultan ne le tue pas. Ce n’est pas simplement que le récit est adressé à lui, il se forme également pour lui et en conséquence son rôle dans la construction du récit est loin d’être passif.
Ainsi la justification d’un énoncé se soumet également à ce rapport entre énonciateur et destinataire. Pour être considéré comme scientifique, c’est-à-dire pour appartenir à un système discursif que nous appelons généralement la science, chez le grand public, un énoncé n’obéit pas aux mêmes règles que pour être considéré en tant que tel dans la société scientifique. Pour le grand public, en général, c’est l’institution et son autorité qui justifie la scientificité d’un énoncé. On n’attend pas de ceux qui ne sont pas experts dans un domaine de pouvoir suivre les débats de spécialistes sur un sujet scientifique. Or si une autorité, comme par exemple le CNRS, admet un énoncé en tant que scientifique, celui-ci peut souvent être accepté également par le grand public. Tandis que le même énoncé visant à se justifier dans la société des experts en tant que scientifique doit s’appuyer sur les preuves admises par cette société.
Or, si la justification d’un discours obéit par des règles internes à un système discursif, ces règles se légitiment et se forment en dehors de cet espace. Ainsi s’opposent, l’intérieur d’un système discursif qui est le lieu de la justification et l’extérieur de ce système qui est le lieu de la légitimation. Prenons par exemple le discours amoureux. Pour qu’un énoncé soit considéré comme amoureux, il doit obéir à la norme des énoncés amoureux dans le contexte spatio-temporel de ce discours. Donc, les règles qui construisent ce système se légitiment dans un rapport réciproque avec les autres systèmes discursifs (et même non discursifs) tels la littérature et les arts, les découverts psychanalytiques à propos de l’amour, le changement des mœurs sociales, le mouvement féministe, le mouvement homosexuel et ainsi de suite.      
La légitimation est au-delà de ce niveau pragmatique de communication. Ce que Lyotard appelle les récits, ou les grands récits de légitimation, ne se fabrique pas dans une relation binaire comme celle de destinateur⁄destinataire, mais dans une couche discursive formée par plusieurs sujets d’énonciation et dans une relation complexe avec les autres systèmes discursifs. Le mélange entre les deux étapes, justification et légitimation, apparait lorsqu’il définit cette dernière : « La légitimation, c’est le processus par lequel un législateur se trouve autorisé à promulguer cette loi comme une norme. Soit un énoncé scientifique ; il est soumis à la règle : un énoncé doit présenter tel ensemble de conditions pour être reçu comme scientifique. Ici, la légitimation est le processus par lequel un « législateur » traitant du discours scientifique est autorisé à prescrire les conditions dites (en général, des conditions de consistance interne et de vérification expérimentale) pour qu’un énoncé fasse partie de ce discours, et puisse être pris en considération par la communauté scientifique. »[6] et ensuite quand il élabore l’idée des récits modernes de légitimation : « Le mode de la légitimation dont nous parlons, qui réintroduit le récit comme validité du savoir, peut ainsi prendre deux directions, selon qu’il représente le sujet du récit comme cognitif ou comme pratique : comme un héros de la connaissance ou comme un héros de la liberté. »[7].
Il montre deux grands récits modernes qui légitiment le discours du savoir : le récit de l’émancipation et le récit de connaissance spéculatif. Selon le premier, basé sur l’idée de démocratie et la Révolution Française, le peuple revendique l’accès au savoir comme moyen de son émancipation. Le gouvernement est responsable d’apporter le moyen de l’accès public au savoir et la légitimité vient du consensus de la société des savants comme la légitimité du gouvernement vient du consensus populaire. Selon le deuxième type de récit, nourri surtout de la philosophie allemande, particulièrement celle de Hegel et de Fichte, qu’on peut designer comme le récit de la « Vie de l’esprit » (expression hégélienne), le peuple étant le héraut de la connaissance et le savoir se légitimant d’abord en soi-même et après en s’attachant au savoir des savoirs qu’est le savoir spéculatif.
Les deux récits, comme on le voit, sont produits hors du discours de la science. Ainsi quand il parle de la délégitimation du discours du savoir à l’âge postindustriel et de la perte de crédibilité de ces récits, il écrit : « Les jeux de langage scientifique vont devenir des jeux de riches, où le plus riche a le plus de chances d’avoir raison. Une équation se dessine entre richesse, efficience, vérité. »[8] .
En l’occurrence, il est clair que ce sont les autres systèmes discursifs (l’économie dans le cas présent) qui participent à la fabrication ou la destruction des récits de légitimation. Le rapport entre les systèmes discursifs est à cet égard une sorte de rapport intertextuel. Le résultat de cette intertextualité discursive est que nous ne pouvons pas analyser les récits de légitimation de manière pragmatique et avec les jeux du langage comme l’a proposée Lyotard. Cette approche, aussi efficace soit-elle pour étudier les règles de justification de l’énoncé, c’est-à-dire les règles intérieures à un système discursif, est insuffisante pour décrire la légitimation car la légitimation est la façon par laquelle les règles des jeux du langage se forment.
 Il serait quand même simplificateur de croire que les récits de légitimation se déterminent clairement et de façon linaire entre deux discours (ceux de richesse par exemple et ceux de science). Ainsi, la perte de crédibilité des récits de légitimation n’est pas absolue ; ces récits, étant fort liés à l’idée de démocratie, sont donc difficile à nier explicitement par le discours du pouvoir. Le résultat en est que la délégitimation de ces récits et la mise en place du principe de l’efficience ne peuvent avoir lieu qu’indirectement. A cet égard, la théorie de Roland Barthes peut être plus convenable pour expliquer la légitimation du savoir à l’âge postindustriel.
Barthes définit le mythe comme une forme ou un métalangage. Dans la langue, qui est le premier système de signification que Barthes appelle ici le langage-objet, il y a un signifiant, un signifié et un signe qui est le « total associatif » du signifiant et du signifié. Le mythe prend le signe du langage-objet et l’utilise comme un nouveau signifiant pour se référer à un nouveau signifié. Au contraire des signifiants linguistiques qui sont vides, les signifiants mythologiques sont déjà pleins ; ils ont un sens que le mythe est obligé de transformer. Barthes écrit :
« Le sens est déjà complet, il postule un savoir, un passé, une mémoire, un ordre comparatif de faits, d’idées, de décisions.
En devenant forme, le sens éloigne sa contingence ; il se vide, il s’appauvrit, l’histoire s’évapore, il ne reste plus que la lettre. Il y a ici une permutation paradoxale des opérations de lecture, une régression anormale du sens à la forme, du signe linguistique au signifiant mythique. » [9]
            Le mythe ne cache pas le sens, il le change. Le sens du signifiant du langage-objet est un sens historique, et c’est pour cela que le sémiologue a affaire avec l’Histoire, mais le mythe naturalise l’Histoire. En détachant le sens historique qui l’entoure dans le langage-objet, le mythe donne au signe une nouvelle valeur. Ainsi, le mythe utilise la force irrésistible et la grégarité de la langue pour partager ses valeurs sans avoir besoin de les légitimer. Il fabrique un système discursif où le récit de légitimation se considère toujours comme évident, naturel.
Prenons par exemple la nouvelle loi de la réforme du système de l’enseignement public en France, qui ouvre la voix à la privatisation des universités. Sur le site du gouvernement, nous pouvons voir pourquoi est prise la loi relative à la liberté et responsabilité des universités (faites attention au mot liberté). Le gouvernement -non pas comme le discours du pouvoir mais surtout en tant que son porte-parole officiel- énumère trois raisons pour cela. La première est de rendre l’université plus attractive. L’argumentation est basée sur le taux d’échec des étudiants et suggère que la nouvelle loi empêchera un tel taux d’échec. La deuxième concerne la direction de l’université, et pour la troisième nous lisons : « Les universités françaises doivent devenir visibles à l’échelle internationale. Il n’est pas acceptable que notre pays ne soit pas en mesure de donner à ses universités les premières places dans les classements internationaux des meilleurs établissements. »
Il est clair que, comme le dit Lyotard, le mythe ne s’appuie plus ni sur la recherche de la vérité ni sur l’émancipation du peuple (non pas seulement qu’elle ne se donne pas pour but de faciliter l’accès public au savoir, mais peut être exactement celui au contraire de le limiter.). Ce qui compte c’est l’efficience, mais le discours du pouvoir est en train de fabriquer un récit pour se légitimer, et dans ce récit, comme nous l’avons vu, il le fait passer pour naturel. La construction d’un énoncé mythique base toujours une hypothèse sur des données qu’il traite comme étant évidentes. Ainsi ce qu’il fait, c’est, en effet, de naturaliser les données en question. L’université se doit de changer parce qu’elle n’est pas efficace. L’efficacité devient de cette façon la valeur principale de l’université, sans qu’on ait besoin de le discuter. Nous nous trouvons ainsi au cœur de la postmodernité : les questions de Lyotard demeurent actuelles et la place de l’intellectuel dans ce nouveau récit de légitimation, aussi marginale qu’elle soit, reste à repenser.                
                            

[1] Voire, Brian McHale, Postmodernist fiction, 1987, Ed. Methuen, Inc.
[2] Michel Foucault, Nietzsche, la généalogie, l’histoire, 1971, repris in Dits et écrits, Tome I, édition établie sous la direction de Daniel Defert et François Ewald avec la collaboration de Jacques Lagrange, Ed. Gallimard, 1994. P. 1014.
[3] Noam Chomsky et Michel Foucault, Sur la Nature humaine, Débat en français et en anglais à la télévision néerlandaise, novembre 1971. Trad. A. Rabinovitch. Repris in Dits et écrits, Tome I, Op.cit. P. 1339-1380.
[4] Comme un exemple récent, voire l’article d’Élise Marrou, DE Lyotard à Wittgenstein : un différend ? Anthropocentrisme et acosmisme, repris in, Lyotard à Nanterre, sous la direction de Claire Pagès, Ed Klincksieck, 2010.
[5] Il va de soi que nous ne pouvons pas les analyser dans cet article.
[6] Jean-François Lyotard, La Condition postmoderne, Ed de Minuit. Paris. 1979. P. 20.
[7] Ibid. P. 53.
[8] Ibid. P. 74
[9] Barthes, Roland. Le mythe aujourd’hui ; repris in OC, vol I, p. 831.

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